La perte des terres agricoles en Belgique

Effondrements de la biodiversité, pollution des sols, des eaux et de l'air, raréfaction de ressources naturelles… Petit à petit, nous prenons conscience que la crise écologique en cours est bien plus large que le seul problème des émissions de gaz à effet de serre. Devant les conséquences, qui s'annoncent de plus en plus lourdes à chaque année d'inaction, et avec une société qui semble en l'état incapable de relever le défi, nos certitudes sur le monde de demain s'évanouissent peu à peu.
Dans ce contexte, la préservation de nos terres agricoles constitue un enjeu majeur, tant pour notre environnement et la biodiversité que pour notre autosuffisance alimentaire.
Retour sur la situation chez nous en graphes et en cartes.

Réalisation : Point de Vue Data

Photo de Eric Prouzet sur Unsplash

De 1985 à 2020, quelle évolution de la superfice agricole en Belgique ?

En 2020, plus de 1 620 000 hectares [ha] sont enregistrées comme terres agricoles* dans les données cadastrales, soit près de 53% du territoire belge. En comparaison, les parcelles bâties couvrent ~13.5% du territoire et les forêts ~20%.

Les terres agricoles sont donc largement majoritaires dans notre pays.

* ont été considérées comme terres agricoles toutes les parcelles recensées en tant que terres agricoles, pâtures et prés, et vergers

En 1985 cependant, ces mêmes terres agricoles représentaient plus de 1 800 000 ha. Nos paysages ont ainsi vu près de 180 000 ha de terres agricoles disparaitre en 35 ans, soit un rythme moyen de plus de 5100 ha perdus par an !

Wallonie, Flandre, même combat ?

Cette perte, relativement lente mais persistante au fil du temps, s’observe tant en Wallonie qu’en Flandre, les deux régions ayant ainsi perdu respectivement 68 000 et 110 000 ha depuis 1985. En région bruxelloise également les terres agricoles sont en recul (-700 ha).

Si la Wallonie, plus grande, a un peu plus de surface agricole que la Flandre, c'est bien la Flandre qui possède proportionnellement le plus de terres agricoles une fois celles-ci rapportées à la superficie de chaque région.

Sans surprise, la région bruxelloise ferme la marche et ses terres agricoles, déjà peu abondantes en 1985, ne couvrent désormais qu'un petit 5% de son sol.

Rapporter la superficie des terres agricoles de chaque région par rapport à leurs superficies 'initiales' en 1985 offre une autre perspective qui permet de comparer plus aisément le déclin dans chaque région depuis cette année-là.

La région bruxelloise a ainsi vu disparaitre 50% de ses terres agricoles de 1985, la Flandre près de 13% et la Wallonie 7.5%.

Où se trouvent nos terres agricoles ?

Avant de comprendre le pourquoi de la régression des surfaces agricoles, voyons tout d'abord où elles se situent principalement et où elles disparaissent en présentant les données, disponibles à l'échelle des communes, sous forme d'une carte.

Ces données nous montrent que les terres agricoles sont principalement concentrées dans le centre et l'Ouest du pays.
Le Sud du pays est quant à lui principalement recouvert de forêts, ce qui explique le décalage entre son côté très 'nature' et les chiffres présentés.

En affichant maintenant la perte de terres agricoles, on peut voir une évolution très hétérogène selon les communes.

Conformément aux évolutions temporelles, la carte montre une perte globalement plus marquée en Flandre. En Wallonie, les pertes se sont surtout concentrées en Braban Wallon, aux alentours de Liège et dans une moindre mesure du coté de Charleroi.

Le (pas si fabuleux) destin des terres perdues

Afin de voir ce qu'il advient des terres agricoles perdues, regardons maintenant l'évolution des différentes surfaces.

Si la superficie de forêts et de surfaces 'autres' restent plutôt stables, les surfaces bâties sont, elles, en nette augmentation depuis 1985. Nos terres agricoles sont donc majoritairement perdues au profit du béton.

L'augmentation de surfaces bâties dans chaque commune dessine une carte fort similaire à celle de la diminution de surfaces agricoles, avec une augmentation globalement plus marquée en Flandre et, en Wallonie, une progression plus importante en Brabant Wallon, aux alentours de Liège et du côté de Charleroi.

Le pourcentage de surface bâtie pour chaque commune met enfin en évidence les parties les plus 'artificialisées' du pays, avec une Flandre bien plus foncée que la Wallonie.

En Wallonie, le nord du Brabant Wallon et le sillon Sambre-et-Meuse se distinguent par une artificialisation assez forte, alors qu'en région bruxelloise la commune de Watermael-Boitsfort s'en tire mieux que les autres grâce à la forêt de Soignes.

Une artificialisation des sols en augmentation, pour aller de pair avec la démographie ?

Si les surfaces bâties sont en augmentation constante depuis 1985, la démographie en Belgique l'est également.

Il est donc légitime de se demander si cette artificialisation croissante résulte uniquement d'une augmentation démographique.

Une comparaison des évolutions du bâti et de la démographie relativement à la situation de 1991* rejette néanmoins cette hypothèse.
L'artificialisation des sols ne s'est en effet pas contentée de suivre la croissance de la population depuis 35 ans, elle a augmenté plus rapidement que cette dernière.

* 1991 est la première année commune entre les deux bases de données

En calculant la surface bâtie par habitant au fil des ans sur base de ces données, on observe qu'elle n'a jamais cessé de croître depuis 1991, même si un ralentissement est visible depuis 2000.

Cet indice atteint désormais près de 365 mêtres carrés par personne.

A l'inverse, la surface agricole par habitant est en net recul, victime tant de la perte des terres agricoles que de la croissance démographique. Cette surface agricole par habitant est ainsi passée de 1760 mêtres carrés par habitant en 1991 à 1410 aujourd'hui.

Selon des travaux du blog de Monautarcie et repris par fermes d'avenir, "il faudrait environ 1000 m2 à 1500 m2 de culture pour nourrir un être-humain " (hors viande et poissons, avec des protéines apportées par les légumineuses), avec une agriculture biologique afin de préserver nos sols.

Quelles perspectives pour l'avenir ?

Au regard de la crise écologique dans laquelle nous plongeons, il est primordial de préserver autant que possible nos surfaces agricoles, d'une part pour préserver la biodiversité et ainsi la bonne santé de notre environnement, et d'autre part afin de nous assurer une certaine autosuffisance alimentaire.

Les régions l'ont bien compris, et tant la Flandre que la Wallonie ont ainsi adopté un plan 'Stop béton' visant à plafonner la consommation des terres non artificialisées dans un premier temps avant d'y mettre fin d'ici l'horizon 2040 en Flandre et 2050 en Wallonie.

Méthodologie et données

Les données présentées ici reprennent l'occupation du sol sur base des données cadastrales, disponibles en open-data sur le site Stabel (ici). J'ai ici considéré comme terres agricoles toutes les parcelles recensées en tant que terres agricoles, pâtures et prés, et vergers.

Les données sur la démographie en Belgique proviennent également du site de Statbel (ici, téléchargement 'Population par commune au 1 janvier').

Les différents graphes et animations ont été réalisés avec D3.js, et le scrollitelling à l'aide de scrollama.